Voici l’émouvante histoire d’Hiraya, une conure Nanday mâle qui a rejoint mon groupe de perroquets en avril 2019. Âgé d’environ 6 ans, il s’apprêtait à vivre une transformation extraordinaire, autant physiologique que comportementale, que moi-même je n’aurais jamais cru possible.
En effet, lorsque Hiraya est arrivé chez moi, il ne pouvait aucunement voler, ni même planer. Il avait subi, juste avant l’adoption, une sévère taille de toutes ses rémiges (les plumes de vol) sur chacune de ses ailes.
La taille des plumes de vol est une pratique courante qui consiste habituellement en la taille des 3 ou 4 premières rémiges, à partir du bout des ailes. Pour ceux qui ont recours à cette technique, cela n’aurait pas ou très peu d’effets néfastes chez les oiseaux tout en permettant de faciliter les interactions avec ces derniers et d’éviter de fâcheux accidents, comme la fuite à l’extérieur. Bien évidemment, ces arguments sont tous réfutables ! Une « simple » taille des plumes de vol a des effets pouvant être dévastateurs pour les oiseaux, autant au point de vue physique que psychologique. L’anatomie des perroquets a évolué durant des millions d’années pour être parfaitement adaptée au vol, ce dernier étant même nécessaire pour le maintien d’une bonne santé. Le vol est également primordial pour exprimer une panoplie de comportements dont la fuite, la mobilité, la quête alimentaire ainsi que pour participer aux activités du groupe social et l’affirmation de l’oiseau. Il y aurait possibilité d’argumenter encore contre plusieurs aspects de taille des plumes de vol.
L’ensemble des plumes des perroquets est remplacé graduellement, c’est-à-dire quelques plumes à la fois, généralement tous les 6 ou 12 mois. On appelle ce processus la mue. Chez un individu où toutes les rémiges ont été taillées, comme pour Hiraya, cela peut être très long et laborieux. Car, lorsqu’une plume de vol pousse, elle a besoin des autres plumes présentes pour agir comme un support afin de la protéger et l’empêcher de casser. Puisque Hiraya n’avait plus de plumes suffisamment longues pour protéger les nouvelles plumes en croissance, elles se brisaient toutes…
Lors de l’arrivée d’Hiraya dans son nouveau groupe, composé principalement de mes trois autres conures nanday (Yago, Chimbo et Hiru), j’ai tout de suite remarqué quelque chose qui clochait. Hiraya n’avait aucun comportement social avec ses congénères. Il semblait être dans un état d’impuissance et de stress constant. Jamais il ne se mélangeait aux autres nanday, il n’exprimait aucun comportement d’exploration, s’isolait toujours en cherchant l’endroit le plus haut possible pour se percher, sans jamais bouger. Il refusait systématiquement les gâteries, les jeux et la présence des autres perroquets. Ces comportements, ou plutôt cette absence de comportements me semblaient reliés en grande partie à son impossibilité de voler pour se déplacer ou fuir. Il n’avait même plus la capacité de ralentir ou freiner lorsqu’il essayait de planer. Donc, dès qu’il tentait une manœuvre, il tombait directement au sol, telle une roche, avec les risques de blessure qui y sont reliés. Dans un tel état, on peut dire qu’il y avait plus grand-chose d’un perroquet chez Hiraya.
Il était donc évident que je devais trouver une façon de remédier à cette situation. J’ai donc rencontré mon vétérinaire aviaire, le Dr Andeas Brieger, avec l’idée de lui faire pratiquer, sur Hiraya, une intervention appelée « imping » ou empennement. Le imping est une procédure millénaire qui consiste à réparer ou remplacer une plume de vol brisé ou taillé en « implantant » sur cette dernière une extension d’une autre plume. Cela permet de redonner complètement ou partiellement la capacité de voler à un oiseau !
Le vétérinaire ou le spécialiste qui effectue l’intervention a donc recours aux plumes correspondant à celles qu’il souhaite « empenner », provenant idéalement d’oiseau de la même espèce ou d’une espèce au gabarit similaire. Il taille ensuite la nouvelle plume pour qu’elle ait la longueur souhaitée. Ensuite, à l’aide de colle et de matériaux légers, il fixe la nouvelle plume à celle coupée sur l’aile de l’oiseau.
C’est ainsi que, durant plus de deux heures, Hiraya fut mis sous sédation et grâce au travail remarquable de Dr.Brieger et son équipe, plus de quinze rémiges furent ajoutées à ses ailes. Je savais que le imping était nécessaire, mais jamais je n’aurais pu imaginer à quel point cela serait bénéfique ! Dès son retour à la maison, seulement quelques heures après la procédure, Hiraya nous a fait une démonstration de ses nouvelles capacités à voler ! Il vola sur plusieurs mètres de lui-même pour regagner la pièce dédiée à mes nanday, et cela sans tomber ni sans se blesser ! Pour la toute première fois depuis qu’il s’était joint à ma famille, je pouvais le voir voler ! Il n’était plus question de tomber directement sur le sol, mais bien de faire des manœuvres et de prendre de l’altitude. Une toute nouvelle vie s’offrait à Hiraya, et cela sans attendre le long processus de la mue. Et si cela avait été les seuls résultats, j’aurais été fier ! Mais le meilleur était à venir !
Quelques jours seulement après l’intervention, j’ai pu observer Hiraya avec les autres conures, chose qui ne s’était jamais produite avant ! Ils étaient tous là, en train de se nettoyer, côte à côte sur la même branche ! Et une branche sur laquelle je ne l’avais jamais vu s’aventurer avant ce jour-là. Hiraya est enfin sorti de son isolation et de son état d’impuissance acquise. Il n’en fait aucun doute, le imping et la capacité de voler ont joué un grand rôle.
S’il faut encore convaincre certaines personnes des effets néfastes de la taille des plumes de vol, Hiraya me parait un bon exemple démontrant leurs répercussions ! Son histoire démontre également qu’en tant de propriétaires d’animaux, on doit sans cesse se remettre en question et ne pas avoir peur de revoir nos pratiques. Il est de notre devoir de tout faire afin d’augmenter la qualité de vie de nos oiseaux.
Merci à l’équipe de la clinique vétérinaire de la Collectivité, située à Longueuil, pour leur excellent travail ! Si d’autres gens se trouvent dans une situation semblable avec leur oiseau, il me fera plaisir de vous conseiller !
Par Maxime Riverin
Perroquetdenature@gmail.com
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